33
/
AIzaSyAYiBZKx7MnpbEhh9jyipgxe19OcubqV5w
August 1, 2025
9324735
714007
2

jun 15, 1190 - Saladin demande l'aide de la flotte almohade contre les Francs

Description:

En 583/1187, Ṣalāḥ al-Dīn remporta une grande victoire sur les forces combinées des principautés croisées lors de la bataille de Ḥiṭṭīn et reprit Jérusalem peu après. Cela provoqua une réponse massive de la chrétienté avec la Troisième Croisade, qui menaçait de renverser la balance contre les Ayyoubides en Palestine. En 585/1189, les croisés commencèrent le siège et le blocus naval d’Acre. L’armée de Ṣalāḥ al-Dīn, à son tour, encercla les croisés du côté terrestre. Ces derniers étaient maintenant coincés entre les défenseurs et l’armée ayyoubide. Néanmoins, la position des croisés restait forte en raison de leur supériorité écrasante sur les Ayyoubides en mer, ce qui leur permettait de maintenir le blocus naval d’Acre et de renforcer l’armée assiégeante. Les efforts de Ṣalāḥ al-Dīn ne purent empêcher la reddition d’Acre aux croisés en 587/1191.

Les Ayyoubides disposaient d’une petite marine faible ; ainsi, ils ne pouvaient pas contrer les flottes de Gênes, de Pise, de Venise et du royaume de Sicile, qui assistaient les croisés à ce moment-là. Plus important encore, Ṣalāḥ al-Dīn était impuissant à arrêter le flux constant de renforts d’Europe vers les ports tenus par les croisés. Cela l’amena à demander de l’aide aux Almohades, qui possédaient l’une des plus grandes marines de la Méditerranée et qui étaient idéalement situés pour intercepter les navires des Anglais et des Français lorsqu’ils étaient en route vers la Palestine.

Deux lettres de Ṣalāḥ al-Dīn au calife Yaʿqūb al-Manṣūr subsistent, l’une dans le Ṣubḥ al-Aʿshā d’al-Qalqashandī et l’autre dans le Rawḍatayn fi Akhbār al-Dawlaṭayn d’Abū Shāma, demandant un soutien naval contre les croisés. La première lettre souligne la nécessité de l’assistance almohade dans le siège d’Acre, tandis que la seconde relate les conquêtes ayyoubides et les renforts chrétiens, y compris Frédéric Barberousse. Les deux mettent en avant le besoin critique de puissance navale pour surmonter les bastions croisés.

Le vizir ayyoubide instruisit son ambassadeur sur la manière de répondre s’il était interrogé par les Almohades concernant les actions des mamlouks Qarāqūsh et Yūzabā à l’ouest. Il devait dire que ces derniers ne faisaient pas partie des principaux amirs et commandants de l’État et qu’ils étaient du genre d’hommes dont on peut dire : « quand ils partent, ils ne sont pas convoqués, quand ils se perdent, ils ne manquent à personne. » Leurs partisans sont une foule hétéroclite qui va et vient. « Dieu nous préserve de commander un criminel pour semer le trouble dans le monde ! » Ensuite, la lettre fait référence à des troupes d’Égypte (probablement des Ghuzz) qui coopèrent avec les chrétiens à l’ouest, et l’ambassadeur est chargé de nier toute responsabilité pour leurs actions. Gaudefroy-Demombynes suggère que certains des Ghuzz qui accompagnaient Qarāqūsh en Ifrīqiya avaient peut-être établi des relations avec le roi de Sicile.

On nous dit qu’Ibn Munqidh arriva à Tunis par la mer en l’année 586/1190. Il fut reçu avec hospitalité par le gouverneur Abū Zayd. Il se rendit ensuite à Bijāya où il fut accueilli par le gouverneur de l’al-Maghrib al-Awsaṭ, Abū Ḥasan. Les gouverneurs avaient écrit à al-Manṣūr au sujet de l’arrivée de l’ambassadeur, mais il ne put lui accorder une audience immédiatement car il menait une campagne contre les Portugais en al-Andalus à ce moment-là. Il ordonna qu’Ibn Munqidh soit conduit à Fès et qu’il soit traité avec tous les honneurs et bien pris en charge jusqu’à ce qu’il ait l’occasion de le recevoir personnellement. L’année suivante, al-Manṣūr captura la clé forteresse de Silves (Shalib) dans l’Algarve aux Portugais et retourna au Maghreb peu après. Il rencontra Ibn Munqidh qui lui présenta des cadeaux et une lettre. Le calife montra à Ibn Munqidh un grand honneur et lui offrit en retour des cadeaux précieux, mais il ne répondit pas positivement à la demande ayyoubide d’assistance navale. Ibn Munqidh retourna à Alexandrie par la mer, probablement en 588/1192.

Nous ne pouvons échapper à la conclusion que Ṣalāḥ al-Dīn était en guerre contre les Almohades durant cette période. Ce qui avait commencé dans les années 1170 comme une campagne pour sécuriser la Barqa et les oasis libyennes s’est finalement transformé en une invasion à part entière de l’Empire almohade. Avec la bénédiction de Ṣalāḥ al-Dīn et du calife abbasside, Qarāqūsh a formé une alliance avec les Banū Ghāniya, ennemis mortels des Almohades, ainsi qu’avec les tribus arabes rebelles des Banū Sulaym et Banū Hilāl. Ṣalāḥ al-Dīn pariait sur l’espoir que cette coalition pourrait vaincre les Almohades et arracher l’Ifrīqiya de leur emprise. Qarāqūsh règnerait alors depuis Tunis en tant que vassal ayyoubide, tandis que les Banū Ghāniya établiraient leur État plus à l’ouest dans le Maghreb central. Ces espoirs furent anéantis après la bataille de Ḥamma et le rétablissement rapide de l’autorité almohade jusqu’à Tripoli. Avec la reddition de Qarāqūsh lui-même et des Ghuzz à al-Manṣūr, Ṣalāḥ al-Dīn perdit sa dernière carte en Ifrīqiya. De plus, il luttait désormais pour sa survie contre une coalition sans précédent de souverains européens qui s’unirent contre lui lors de la Troisième Croisade. Dans de telles circonstances, il ne pouvait se permettre d’avoir des problèmes sur son front occidental et décida qu’il était temps de rétablir des relations avec les Almohades. Nous pensons que le véritable objectif de l’ambassade que Ṣalāḥ al-Dīn envoya à la cour almohade était d’établir la paix et une reconnaissance mutuelle des frontières et des sphères d’influence. Ṣalāḥ al-Dīn reconnut implicitement la souveraineté almohade sur l’Ifrīqiya et la Tripolitaine et abandonna toute revendication sur les terres à l’ouest de l’Égypte. Le calife était réceptif à la paix car son attention était désormais concentrée sur le front andalou et il ne souhaitait pas faire face à de nouvelles révoltes en Ifrīqiya. Mais cela ne signifiait pas qu’il avait oublié les actions passées de Ṣalāḥ al-Dīn et il ne pouvait être question d’une réelle alliance militaire entre les deux États. La paix avec les Ayyoubides se maintint et nous n’entendons plus parler d’aventures maghrébines sous Ṣalāḥ al-Dīn ou ses successeurs, bien que les troubles du califat almohade avec les Banū Ghāniya et Qarāqūsh soient loin d’être terminés.

Source : Saladin, the Almohads and the Banü Ghaniya - The Contest for North Africa (12th and 13th Centuries) - Amar S. Baadj

Added to timeline:

Date:

jun 15, 1190
Now
~ 835 years ago