jun 15, 1228 - Naissance de Shihab al-Din al-Qarafi
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Shihāb al-Dīn al-Qarāfī (1228–1285), de son nom complet Shihāb al-Dīn Abū al-ʿAbbās Aḥmad ibn Abī al-ʿAlāʾ Idrīs ibn ʿAbd al-Raḥmān ibn ʿAbd Allāh ibn Yallīn al-Ṣanhājī al-Ṣaʿīdī al-Bahfashīmī al-Būshī al-Bahnasī al-Miṣrī al-Mālikī, était un éminent savant musulman sunnite d’origine berbère sanhadja ayant vécu en Égypte à l’époque ayyoubide puis mamelouke. Il est universellement reconnu comme le plus grand théoricien et jurisconsulte malikite de son temps. Polygraphe accompli, il maîtrisait non seulement le droit islamique et sa théorie, mais également l’exégèse coranique, la théologie, la grammaire, la lexicographie, la littérature, l’ophtalmologie, l’astronomie et les mathématiques. Ses contemporains le tenaient pour l’un des plus grands savants vivants.
Selon Ibn Farḥūn, les malikites comme les shaféites s’accordaient à dire que les trois meilleurs savants d’Égypte étaient : al-Qarāfī au Caire islamique, Ibn al-Munayyir à Alexandrie et Ibn Daqīq al-ʿĪd au Caire fatimide. L’imam al-Suyūṭī le comptait parmi les rares savants à avoir atteint le rang de mujtahid muṭlaq, c’est-à-dire la capacité d’exercer un ijtihād autonome.
Né en 1228 dans le village de Bahfashīm, dans la province de Bahnasa (région de Beni Souef), il fut d’abord formé par son père avant de partir pour le Caire à l’adolescence afin de poursuivre ses études auprès de maîtres plus réputés. Il y fréquenta notamment la madrasa Ṣāḥibiyya, un centre d’enseignement malikite fondé en 1214 par le vizir Ṣafī al-Dīn ʿAbd Allāh al-ʿAzīz ibn Shakr.
Peu d’éléments biographiques nous sont parvenus à son sujet, mais quelques noms de maîtres apparaissent dans les sources, notamment le célèbre savant shaféite ʿIzz al-Dīn ibn ʿAbd al-Salām, qu’al-Qarāfī cite abondamment et dont il semble avoir été proche dès son arrivée au Caire. Parmi ses autres professeurs figurent al-Sharīf al-Karakī, Shams al-Dīn al-Khusrūshāhī (disciple de Fakhr al-Dīn al-Rāzī), le hanbalite Shams al-Dīn Abū Bakr Muḥammad b. Ibrāhīm, Ibn al-Ḥājib (en droit malikite et en grammaire), et al-Mundhirī (en science du ḥadīth).
Al-Qarāfī était un maître polyvalent et respecté. Il excellait en uṣūl al-fiqh (théorie juridique) et en furūʿ al-fiqh (droit positif), mais aussi en grammaire, lexicographie, logique, mathématiques, astronomie, mécanique et dialectique. Il aurait même conçu des automates et des horloges mécaniques. Al-Dhahabī affirmait qu’il était un véritable imam dans les sciences religieuses, le droit malikite, l’interprétation du Coran et bien d’autres disciplines. Son érudition, selon ses biographes, témoignait d’une véritable passion encyclopédique.
Durant sa carrière, il occupa trois fonctions majeures. Il fut professeur à la madrasa Ṣāliḥiyya du Caire fatimide – célèbre pour abriter une chaire pour chacune des quatre écoles juridiques –, poste qu’il conserva jusqu’à sa mort après l’avoir brièvement perdu au profit de Nafīs al-Dīn Ibn Shurk. Il enseigna aussi à la mosquée d’Amr ibn al-ʿĀṣ dans le Vieux Caire, puis à la madrasa Taybarsiyya attenante à la mosquée al-Azhar, fondée en 1279 par le mamelouk ʿAlāʾ al-Dīn Taybars al-Wazīrī.
Il mourut le dimanche 2 septembre 1285 (30 Jumādā II 684) à Dayr al-Tīn, un village au bord du Nil, et fut enterré le lendemain dans le cimetière de la Qarāfa au Caire.
Son héritage est immense. Il est considéré comme le plus grand théoricien malikite du XIIIe siècle. Ses écrits ont marqué durablement la pensée juridique islamique, notamment par leur insistance sur les limites du droit et sur la prise en compte de considérations extra-légales, telles que le bien commun (maṣlaḥa) et la coutume (ʿurf), des notions qu’il contribua à structurer dans le cadre de la théorie des finalités de la loi (maqāṣid al-sharīʿa). Il fut d’ailleurs le premier à y inclure la notion d’honneur (ʿirḍ) comme finalité fondamentale, aux côtés des cinq reconnues.
Auteur prolifique, al-Qarāfī a rédigé de nombreux ouvrages majeurs en droit, théologie, grammaire, exégèse et même en polémique religieuse. Parmi ses œuvres principales figurent :
• Al-Dhakhīrah (« Le Trésor conservé »), l’un des textes fondamentaux du madhhab malikite, où il traite en profondeur du fiqh à la lumière des principes d’uṣūl al-fiqh ;
• Al-Furūq (« Les Différences »), qui explore les distinctions fines entre les cas juridiques ;
• Nafāʾis al-uṣūl (« Les Perles de la théorie juridique ») ;
• Al-Iḥkām fī tamyīz al-fatāwā ʿan al-aḥkām wa taṣarrufāt al-qāḍī wa-l-imām (« Le Livre de la juste distinction entre avis juridiques, jugements contraignants et actes discrétionnaires du juge et du calife ») ;
• Ajwibat al-fākhira ʿan al-asʾilat al-fājira fī al-radd ʿalā al-milla al-kāfira (« Réponses brillantes aux questions insolentes, en réfutation de la religion mécréante »), un ouvrage volumineux de polémique anti-chrétienne, notamment dirigé contre la lettre de Paul d’Antioche à un ami musulman.
Par son érudition, sa pensée originale et ses contributions décisives à la théorie juridique islamique, al-Qarāfī demeure l’un des penseurs majeurs du patrimoine intellectuel musulman.
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