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August 1, 2025
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jun 15, 1030 - Prêche (approximative) du chef peul Warjabi b. Rabis au Sahel

Description:

Il est devenu conventionnel d’attribuer les premières réformes islamiques au Sahel à l’essor des Almoravides, bien que leur relation avec la vallée du Sénégal (ou Takrur) reste opaque. Il y eut cependant l’émergence du chef (probablement Pullo) Wārjābī b. Rābīs (mort en 432/1040-41), qui défia une population non musulmane pratiquant le culte des idoles (dakkūr).

Les activités de Wārjābī sont généralement considérées comme secondaires par rapport à celles des Almoravides. Toutefois, un examen plus attentif révèle un lien étroit, voire vital, entre ces derniers et les ressources ainsi que la politique du Sahel. Cela suggère que l’initiative de Wārjābī pourrait avoir été plus générative que dérivée.

Yaḥyā b. Ibrāhīm, fondateur des Almoravides, était issu de la division Banū Gudala des Ṣanhāja et vivait dans l’actuelle Mauritanie méridionale, près du fleuve Sénégal. Sa communauté était étroitement liée au bilād as-sūdān, tout comme celle de son mentor, ‘Abd ‘Allāh b. Yāsīn, dont la mère était originaire de “Tamāmānāwt, située en bordure du désert, à proximité de la ville de Ghana.”

Bien que Yaḥyā b. Ibrāhīm ait entrepris un voyage spirituel à La Mecque puis à al-Qayrawan, il est légitime de se demander si Wārjābī ne l’a pas inspiré, plutôt que l’inverse. Cela pourrait expliquer pourquoi les Almoravides ont pris naissance dans le sud de la Mauritanie et le nord du Sénégal. En effet, lorsque Yaḥyā b. Ibrāhīm commence à proclamer la vérité (da’wat al-ḥaqq) en 440/1048, Wārjābī b. Rābīs est mort depuis huit ans, ayant déjà mené sa propre guerre sainte.

Deux ans après la prise d’Awdaghust, le fils de Wārjābī, Labbī, tente de secourir Yaḥyā b. ‘Umar, frère d’‘Abd Allāh b. Yāsīn, assiégé dans les montagnes des Lamtuna et finalement tué par les Banū Gudala en 448/1056-57. Étant donné l’exemple précoce de Takrur et son soutien militaire ultérieur aux Almoravides, il n’est pas évident de déterminer qui a précédé qui.

L’ascension de Takrur après Wārjābī fut fulgurante, projetant son influence sur toute la vallée du Sénégal dès le milieu du VIᵉ/XIIᵉ siècle. Al-Idrīsī écrit en 548/1154 que “le Takrūrī” (le dirigeant de Takrur) possédait “des esclaves et des soldats, de la force et de la fermeté, ainsi qu’une justice largement reconnue. Son pays est sûr et paisible.”

Sila, la première ville à l’est d’Awlil le long du fleuve Sénégal (du moins selon Al-Idrīsī), “appartenait aux domaines du Takrūrī” et était “un point de rencontre pour les Sūdān et un bon marché”, suggérant une redéfinition de Sila sous Takrur en tant que centre commercial majeur. Barisa, située plus à l’est de Sila, prêtait également “allégeance au Takrūrī”. Awlil, Sila, Barisa et Takrur formaient le territoire des “Maqzāra”, terme englobant les Fulbe ou Hal Pulaaren (locuteurs du Pulaar), les Wolof et peut-être les Sereer.

On peut donc raisonnablement déduire que Takrur contrôlait les échanges et les communications entre Awlil et la frontière du Ghana, créant ainsi une zone commerciale homogène.

L’Influence de Takrur sur la Chute de Ghana

L’activité réformiste dans le Takrur du Vᵉ/XIᵉ siècle précède donc des développements similaires au Ghana. Le témoignage sur ce qui s’est passé au Ghana tourne autour de la défaite d’Awdaghust en 446/1054-55 par les Almoravides, arrachant la ville au contrôle du Ghana, car elle était devenue la résidence de son souverain.

Le récit d’al-Bakrī s’arrêtant en 460/1068, c’est al-Zuhrī qui reprend l’histoire. Concernant le “pays des Janāwa”, il écrit :

“Autrefois, les habitants de ce pays pratiquaient le paganisme (kufr) jusqu’en l’an 469/1076-77, lorsque Yaḥyā b. Abī Bakr, émir des Masūfa, fit son apparition. Ils se convertirent à l’islam du temps des Lamtūna et… [a]ujourd’hui, ils sont musulmans et possèdent des érudits, des juristes et des lecteurs du Coran.”

Seulement treize ans après l’intronisation d’un nouveau roi non musulman en 455/1063, un événement dramatique se produisit au Ghana. Les chercheurs ne s’accordent pas sur la nature exacte de cet événement : certains insistent sur une conquête militaire almoravide en 469/1076-77, tandis que d’autres soulignent des incohérences dans les sources historiques.

Un élément souvent omis est la propagation de l’islam réformiste de Takrur à Sila, avant même la chute d’Awdaghust. Il est donc possible que Ghana ait déjà été en guerre avec Sila. On ne peut ainsi exclure que Sila ou Takrur (ou les deux) aient contribué à affaiblir Ghana avant toute intervention almoravide.

Quel que soit le déroulement précis des événements, le résultat final est le même : en 469/1076-77, Ghana devient un État musulman, salué pour son adhésion à l’islam, tout en s’engageant dans la traite des esclaves et la promotion militaire de sa foi. Les Almoravides lui apportent alors leur soutien pour vaincre Tadmekka, avec des répercussions jusqu’à Gao.

Alors que les archives historiques externes restent vagues, la tradition orale utilise des allégories pour expliquer la transformation ou la disparition d’un royaume aussi puissant.

Une légende raconte qu’au temps du septième roi de Wagadu, une jeune vierge destinée au sacrifice au serpent sacré Bida fut sauvée par un jeune homme qui tua la créature. Avant de mourir, Bida maudit Wagadu, provoquant sécheresse et famine. Sa tête tranchée tomba à Bure, dans la région des Mande du sud, qui devint une nouvelle source d’or. Cette catastrophe entraîna une diaspora des Soninkés et la fin de Wagadu.

Plutôt que de symboliser la chute de Ghana, cette allégorie pourrait mieux s’interpréter comme un deuil face à l’arrivée d’un islam bien plus rigide que le précédent. Autrefois, marchands musulmans et savants coexistaient pacifiquement avec une élite dirigeante non musulmane au Ghana.

L’éviction de la religion ancestrale est le sens premier du récit, mais le départ des Jula ou Wangāra suggère aussi leur rejet d’un islam dogmatique.

Source : African Dominion: A New History of Empire in Early and Medieval West Africa - Michael A. Gomez

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jun 15, 1030
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