26 juin 1609 - Première bataille navale de la Goulette
Description:
Le raid sur La Goulette de 1609 fut une attaque navale menée par le capitaine espagnol Luis Fajardo, à la tête d’une flotte espagnole accompagnée d’un navire français, contre La Goulette, principal port de la Tunisie ottomane. Cette attaque fut déclenchée en réponse aux actes de piraterie barbaresque provenant de Tunis, et mena à la destruction de la flotte locale présente dans le port, comprenant des renégats anglais comme Jack Ward et Francis Verney.
Il s’agissait probablement de la première opération navale de l’époque moderne exécutée en Méditerranée exclusivement avec des navires à voiles, comme des galions et des caravelles, sans soutien de galères, jugées de plus en plus coûteuses et inutiles en Espagne après la bataille de Lépante.
En janvier 1609, après plusieurs victoires contre les Hollandais dans l’Atlantique, Fajardo fut promu au conseil royal de guerre. Quelques mois plus tard, pendant l’expulsion des Morisques, il reçut l’ordre de prendre le commandement des flottes d’Andalousie et du Portugal pour perturber les mouvements des pirates barbaresques en Afrique du Nord, laissant à Antonio de Oquendo le soin de surveiller la côte sud de l’Espagne. Nettoyer les côtes nord-africaines était essentiel, la couronne ayant reçu des rapports sur des agents barbaresques cachés parmi les Morisques, qui aidaient les corsaires à attaquer les côtes espagnoles pour alimenter la traite des esclaves.
La même année, Zymen Danseker, corsaire hollandais allié aux musulmans, opérait autour du cap Saint-Vincent avec une flotte de 18 navires et avait déjà capturé plusieurs marchands espagnols. Fajardo, déterminé à le capturer, proposa de réunir une flotte uniquement composée de navires à voiles pour contrer les galions occidentaux de Danseker et redorer le blason de la flotte atlantique espagnole, entaché depuis la défaite de Gibraltar en 1607. Le conseil envisagea d’utiliser des galères pour remorquer les navires en cas de calme plat, mais abandonna finalement l’idée. Après avoir réuni douze galions, caravelles et caraques, Fajardo quitta Cadix en juin, avec son fils Juan Fajardo de Tenza comme lieutenant.
En quittant Cadix, Fajardo divisa sa flotte en trois sections : une, dirigée par son fils Juan, patrouilla la côte africaine ; une autre fut chargée de rassembler des renforts à Malaga et Almeria ; la troisième, commandée par Fajardo lui-même, se plaça entre les deux pour intervenir si besoin. Réunis à Oran, ils firent escale à Mers el-Kébir le 28.
Averti par le gouverneur d’Oran, Felipe Ramírez de Arellano, comte d’Aguilar, qu’un navire suspect avait été repéré à l’embouchure de l’oued Tafna à Tlemcen, Fajardo envoya Juan avec sept pataches locales et 200 soldats. Juan captura le navire près de l’île de Limacos : il appartenait à la flotte de Danseker et transportait des armes avec un équipage composé d’Anglais et de Juifs. Reprenant leur route, les Espagnols aperçurent huit navires à voiles et quatre galères réfugiés à Alger, mais le port était trop bien défendu, et Fajardo décida de continuer vers Tunis.
Le 21, ils capturèrent deux navires, dont un autre appartenant à Danseker. Le lendemain, ils rencontrèrent une flottille de trois navires français commandée par Philippe de Beaulieu-Persac, récemment vaincue par les Barbaresques. Beaulieu, en vertu de la paix de Vervins entre la France et l’Espagne, rejoignit Fajardo avec son seul galion encore en état de combattre. Le 30, Fajardo arriva à Tunis et lança l’attaque.
Fajardo ordonna un raid avec de petites embarcations, utilisant sept pataches et deux chaloupes, dirigées par lui et son fils à la tête de l’infanterie de marine espagnole. Ils envahirent le port de La Goulette pendant que le reste de la flotte couvrait l’assaut et attirait le feu de l’artillerie locale. Les soldats espagnols utilisèrent des engins incendiaires pour mettre le feu aux 23 navires ancrés, appartenant à Danseker et à des pirates de diverses nationalités, causant de nombreuses pertes locales par surprise.
Constatant l’échec de son artillerie à repousser le raid, le commandant de Tunis, Uthman Dey, mobilisa 20 000 soldats et cavaliers et se précipita vers le lac. Fajardo fit alors venir plusieurs de ses navires, qui bombardèrent les renforts tunisiens à leur arrivée, causant plus de 500 morts et stoppant leur progression. À ce stade, Fajardo contrôlait efficacement la zone. Les corsaires anglais Jack Ward, Francis Verney et Richard Bishop, présents, réussirent à s’échapper dans la confusion.
Le lendemain matin, un nouveau navire africain arriva à La Goulette, ignorant les événements récents. Prévenu par les tirs de la forteresse, l’équipage échoua le navire et tenta de fuir par voie terrestre. Fajardo captura plusieurs hommes et s’empara du bateau, y découvrant un important butin et 40 prisonniers français. Un autre navire pirate fut sabordé dans le canal, et sa cargaison saisie.
Ne voulant pas risquer un retournement de situation, Fajardo envoya une ambassade pour négocier la rançon des prisonniers, obtenant 2 000 sequins d’or. Le 4 août, la flotte espagnole quitta enfin Tunis.
Fajardo arriva chargé de butin à Cadix, d’où il reçut l’ordre de se rendre à Carthagène pour assister au transport des Morisques vers l’Afrique. Son succès ne fut pas le dernier pour la marine espagnole en Afrique du Nord, renforçant considérablement sa réputation, même s’il ne mit pas fin aux foyers de piraterie barbaresque. Ward et Bishop se réfugièrent à La Mámora, y installant leur base, mais furent de nouveau attaqués par les Espagnols qui brûlèrent leurs navires, les forçant à fuir vers l’Atlantique. La Mámora fut d’ailleurs conquise par Fajardo en 1614. Les capitaines de galères espagnoles à Naples et en Sicile, le Castillan Álvaro de Bazán y Benavides et l’Italien Ottavio d’Aragona, poursuivirent la traque des pirates après le départ de Fajardo.
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